The tribunal

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Rembobinage #2 : Le tribunal

Ancien système de sanctions abandonné par Riot en 2014, le tribunal avait des avantages... Et surtout de gros défauts

 

En mai 2011, Riot Games sort un système de sanctions inhabituel dans le monde du jeu vidéo, sans être révolutionnaire pour autant. Le tribunal n'est ni plus ni moins qu'une gestion de la communauté par la communauté. On s'identifie sur le site officiel, et on juge des cas avec les logs de discussions fournis par Riot, et quelques informations de jeu. Charge au joueur ensuite de dire si oui ou non la personne mérite une sanction, avec un bouton "Condamner" ou un bouton "Acquitter". Il était également possible de sauter un cas.

 

Un exemple de la première version du tribunal


Il faut se remettre dans le contexte de l'époque pour imaginer la réaction à la sortie d'un tel système. Avant le tribunal, il n'y avait simplement pas de système de sanctions. LeaverBuster ne s'occupait comme aujourd'hui que des leavers/afk, le jeu était en pleine expansion, et Riot était réellement une petite compagnie. Ce système était donc vu comme "mieux que rien", car bien évidemment les abus étaient redoutés dès le départ, surtout parce que les joueurs gagnaient des points d'influence (L'ancêtre des essences bleues) à chaque jugement dont la décision finale correspondait aux choix du joueur. Une quantité faible, de l'ordre de 3-4 PI par jugement correct, sachant qu'on pouvait juger un maximum de 20 cas par jour. Un bonus de points bien ridicule donc, même en s'y collant tous les joueurs, ce qui prenait du temps si on voulait bien faire, et même si on s'en fichait, puisqu'il y avait un minimum de 20sec pour pouvoir juger un cas. Parmi les autres limites, on trouvait en vrac l'obligation d'être niveau 30 (Le maximum de l'époque), ou le fait de ne pas être banni

 

Comment ça marchait ?


Une fois que le joueur avait choisi condamner ou acquitter, son vote était comptabilisé avec celui de dizaines d'autres participants, et en fonction des résultats, le joueur était sanctionné ou non. L'impact que pouvait avoir un joueur seul était donc limité face à la proportion nécessaire pour juger un cas. Une fois le jugement rendu, on pouvait voir le verdict, avec des détails sur les votes (Majorité, large majorité, majorité écrasante). Chaque joueur ayant rendu le bon verdict gagnait des "points" sur une sorte d'elo, qui, s'il descendait trop bas, faisait perdre au joueur en question l'accès au tribunal. Une chose qui visait à pousser les joueurs à bien examiner les cas, plutôt que de les condamner aveuglément.

En cas de sanction, le joueur condamné recevait soit un avertissement, soit ban de 3/7/15 jours, soit une suspension permanente. Dans certaines circonstances, Riot pouvait corriger le verdict s'il était inapproprié. Pour les suspensions permanentes par exemple, il s'agissait en fait de suspensions temporaires, mais parce que le joueur en recevait trop, son cas était envoyé au support de Riot pour qu'il soit décidé s'il avait encore des chances d'évoluer positivement, ou s'il valait mieux le sanctionner définitivement.

 

Tout ceci abouti à de premiers résultats publiés fin 2011 :

 

La première infographie publiée sur le tribunal

 

Mais alors, qu'est-ce qui n'allait pas avec ce système ?

 

Vu comme ça, le système peut sembler séduisant. Mais, si Riot a déjà évoqué certains des problématiques rencontrées par le système récemment, comme sa lenteur, ou ses biais, peu de détails ont été donnés, et surtout ce n'était pas les seules problématiques.

 

Une lenteur avérée

 

Sur la fin du tribunal, certains joueurs se retrouvaient à juger des cas datant de plusieurs mois. Une chose qui posait beaucoup de problèmes, à commencer par indiquer qu'il y avait sûrement beaucoup de cas plus récents qui attendaient d'être jugés. Mais cela signifiait aussi qu'un joueur qui serait sanctionné par le tribunal n'aurait peut-être même plus souvenir de la partie en question, ce qui ne l'encourage pas à s'améliorer, voire peut le frustrer s'il a déjà changé d'attitude depuis.

 

Un manque d'informations

 

Si un cas au tribunal contenait les logs de discussion, les motifs de signalement, le build du joueur, son pseudo, etc... Il manquait des informations, comme les logs du chat de la sélection des champions, et ceux de l'après-match. Et c'était en soit un défaut qui rendait le système faillible si un joueur se montrait toxique uniquement à ces endroits (Ce qui serait surprenant, mais peut être important), puisqu'il n'était pas possible de voir son comportement. Et l'impossibilité pour Riot de le faire à ce moment dessinait déjà les limites du système.

 

Un appel à la communauté difficile

 

Riot a rapidement retiré la possibilité de gagner des points d'influence en jugeant des cas, pour éviter que les joueurs ne participent qu'avec l'intention d'en gagner, et en spammant les condamnations, mais en faisant ça, la partie de la communauté qui venait en étant motivée par le gain de points et en étant rigoureuse, s'est également retirée. Ne restait alors que la motivation des joueurs les plus déterminés, et il devenait difficile pour Riot de continuer sur un tel système si les joueurs n'y participaient pas.

 

Une existence difficile à justifier par son concept

 

Finalement, le plus gros problème du tribunal a peut-être été son concept même. À l'époque, les reports fonctionnaient bien différemment d'aujourd'hui. Les reports injustifiés pouvaient aboutir à une sanction, il y avait un système qui gérait le poids de vos reports en fonction de s'ils étaient justifiés ou non, faisant que ceux qui en abusaient n'avaient plus aucun poids dans le fait qu'un cas soit ou non envoyé au tribunal, il fallait de nombreux reports pour atterrir au tribunal, etc... Ce qui fait qu'en arrivant au tribunal, un joueur avait de très grandes chances d'avoir effectivement quelque chose à se reprocher vu toutes les barrières à franchir au préalable. Ce qui a mené à des taux de condamnation de 94%, et faisait qu'on se demandait si c'était bien utile que le tribunal soit là, si c'était juste pour confirmer qu'un joueur était effectivement toxique.

 

Le passage à l'IA, pour le meilleur et pour le pire

 

Aujourd'hui, un seul signalement suffit à ce que la partie soit examinée par Riot, et le fait de signaler avec ou sans raison valable n'a plus aucun impact. Riot semble avoir définitivement abandonné le tribunal, et peut aujourd'hui examiner un cas en une quinzaine de minutes via une IA, chose qui serait impossible sur un système utilisant le jugement des joueurs, même avec les plus acharnés d'entre eux. Et les sanctions se composent désormais de bans, ou de restrictions de messagerie. Le principe de l'escalade est toujours là, c'est à dire que la sanction devient de plus en plus lourde si votre comportement ne s'améliore pas et que vos condamnations se répètent. Mais la plupart des condamnés ne récidive pas, comme à l'époque du tribunal.

 

Il faut savoir qu'avant l'abandon du tribunal cependant, Riot avait de sacrés projets pour ce dernier, comme le fait d'avoir des cas de joueurs positifs dans le tribunal, afin de pouvoir leur accorder une récompense tout en s'assurant que les joueurs n'aient juste à spammer la condamnation. Des idées qui là aussi, ne verront probablement jamais le jour. Le tribunal est à ranger au rang des système dont l'idée semblait bonne sous certains aspects, mais qui a vite rencontré des limites, et a fini par être remplacé par autre chose, qui fait a priori bien mieux le travail qu'on lui demande...

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